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Portrait Un Sorozabal en cache trois autres

Chez les "Soro" comme on appelle affectueusement les Sorozabal, la punta se joue comme aux cartes...à 4! Laurent le père a brillé aux USA, les frères Gorka et Johan sont en finale de la "jaï alaï league" à Durango, Oihana, le fille est la numéro 1 française!
18.10.2024
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Je suis le texte qui sera copié

C’est à Biarritz, à deux pas d’Aguiléra, le temple du BO, et si l’on passe du rouge et blanc au vert et blanc c’est que ce complexe imposant est la maison du BAC, dans laquelle on joue avec une balle bien plus petite et ronde, la pelote. La maison du BAC, on aurait presque pu dire la maison des « Soro » avec autant de chance qu’elle soit reconnue. Pour peu que vous passiez devant, un soir de “gant d’or” par exemple, la compétition phare de l’été, vous y verrez, immuable, le large bandeau photo au-dessus de l’entrée, c’est Johan le plus grand des deux frères mais le cadet d’un an de Gorka que vous devriez vite croiser dans les parages.  A droite de la grande porte, le local attenant c’est l’atelier de Laurent Sorozabal. Titulaire du Brevet d’Etat tronc commun et spécifique pelote, il est salarié du club. Il y fait mille choses. Notamment ce que plus grand monde, sinon personne, ne fait plus , il fabrique des gants et aujourd’hui à près de 800 euros le chistéra c’est une mine d’or, deuxième spécialité il répare les pelotes, autre économie appréciable pour une « asso ». Ce n’est pas tout, s’il n’est pas à l’atelier, c’est peut-être qu’il procède aux réglages de sa guitare. Tout à la pelote, Laurent Soro a conservé un p’tit coin pour la musique, il joue au sein d’un groupe de quinquas et plus dont le premier talent est de ne pas se prendre au sérieux. Là, au milieu des câbles et branchements en tous genres, il y aura encore Oihana, la cadette, elle est la parfaite synthèse de la famille, musicienne et puntiste, elle est même la numéro 1 française de ce jeu si joli. Dans la famille Soro, ne demandez pas la mère, elle ne gratte ni la guitare, ni n’enfile le gant.

DU PARC MAZON AU CONNECTICUT

Pas besoin de vous faire un dessin, chez les Sorozabal, la punta est une affaire de famille et bien sûr, comme partout ou presque, c’est le paternel qui a embarqué toute sa progéniture dedans. Mais lui, Laurent comment y est-il venu à ce jeu qui va tout de même le conduire 14 ans durant aux USA, au casino de Milford dans le Connecticut pour être précis, de 1986 à 1999 ? On le sait, c’est là-bas, outre atlantique que la pelote, les paris et l’argent faisaient bon ménage, très bon ménage pour certains. Il aurait vu une reprise de volée de haut vol peut-être serait-il allé au foot ! Il aurait vu une passe croisée entre deux demis derrière une mêlée aurait-il essayé l’ovale ? Non, au parc Mazon, fronton et jardin public biarrot mais jardin tout court pour les gamins du quartier prompts à y faire les quatre cents coups, Laurent Sorozabal qui en était, en vit un coup, un coup de génie. C’était celui d’un joueur de grand gant,  c’était un revers magistral. « Je veux faire ça », il fit ça !

CHAMPION DU MONDE ESPOIR
Le môme Soro a de la suite dans les idées, quelques aptitudes aussi, on n'arrive pas au pays de l’oncle Tom le jour de ses 20 ans sur un claquement de doigts, on ne devient pas meilleur “rookie” de la League par hasard. Il apprit donc la punta au BAC et avant de partir si loin, il écrit sur sa carte de visite : « Montevideo 1984, Laurent Sorozabal, André Pedrouzo champions du monde espoirs ». Il en rit encore aujourd’hui de ce début de carrière qui mentionne sept finales et sept perdues les premières, de poussins à minimes. En revanche dès la première gagnée, c’était à Arcachon, il enclencha le turbo. Quand il rentre à 33 ans au Pays Basque, la pelote n’a pas complètement capoté aux USA, non c’est qu’il en a un peu marre des « quiñielas », qu’il a aussi une opportunité de reconversion au BAC et qu’il a enfin des raisons personnelles qui n’appartiennent qu’à lui.

LA PUNTA UNE EVIDENCE

Nous n’avons pas eu besoin de creuser beaucoup pour comprendre la passion de Johan et de Gorka, les deux fils Soro, nés en 2001et 2002, pour la cesta punta. Ils ont été bercés avec, ils ont baigné dedans et ont grandi sur la cancha. Bon, il y eut match avec le rugby que les drôles aimaient bien aussi, comme les copains, ils y jouèrent tant qu’ils purent concilier les deux. Et à Anglet curieusement ! «  Nous étions mon frère et moi l’un pour Bayonne l’autre pour Biarritz alors maman a tranché, ce sera à Anglet » sourit Gorka qui ne voit pas d’autre sujet de discorde avec le frangin, encore moins à la pelote, « sur la cancha  il n’y a jamais un mot plus haut que l’autre, c’est un partenaire idéal ». Et les deux font la paire, ils sont champions de France en 2023.

L’AMERIQUE, ILS EN REVAIENT  

Si la punta coule de source dans les veines des jeunes Soro, l’Amérique s’ajoute vite au menu des deux ados, il y avait dans leurs yeux autant d’étoiles que sur la bannière de ce pays. Il y a aussi au bout de leur gant un talent naissant un diamant à polir.  Et du travail à accomplir, Laurent se souvient : « ils ont très vite compris que ce n’était pas tout cuit, mais comme ce sont deux gros bosseurs, sérieux c’est allé dans le bon sens ».

Pas du tout cuit, non les Soro ne défraient pas la chronique chez les jeunes, « on était même mauvais », rigole Johan qui se souvient du passage de la frontière, c’était chez les minimes, « Jusque-là on n'a rien gagné, après on s’est mis à gagner et beaucoup » Forts de ces succès, ils appartiennent au peloton de tête des bons espoirs français de la cesta punta.  Suffisant à leurs yeux pour effectuer le grand pas, pour traverser l’Atlantique, pour faire de leur rêve une réalité. Ils ont 17 et 18 ans, Johan n’a pas encore son bac, mais ils ont une détermination totale, une ambition de progresser féroce, et puis l’Amérique a tant de choses à offrir a des jeunes de cet âge, n’est-ce pas. A la manière de Joe Dassin qui voulait voir l’Amérique et qui l’a vu, Gorka et Johan s’en vont avec un contrat de 12 mois en poche, soit 10 mois de pelote aux States et deux mois de vacances au Pays basque.

“C’EST LE MYTHE QUI S’ECROULE”

Deux ans tout juste se sont écoulés, quand les frangins Soro rentrent au pays, pas pour les vacances cette fois mais avec tout leur paquetage. L'Amérique c’est fini, celle de la punta au moins. Le dernier casino qui abritait un fronton a fermé, c’était à Dania au sud de Miami. « Oui, tu prends cher, quand ça te tombe dessus » confesse Johan, et bien qu’ils soient partis en sachant que l’édifice ne brillait plus de mille feux, que les lendemains n’annonçaient plus de chansons, que les lois sur l’activité des casinos changeaient la donne, « c’est le mythe qui s’écroule » assène les frangins.  Car le retour, bien que sur terre toujours, ne fut pas une formalité ni sociale ni sportive... Revenir chez papa et maman c’est pas mal, mais vivre en totale autonomie non loin de Miami, ce n’est pas mal non plus, peut-être même un petit peu mieux !   Et puis la punta chez nous ne nourrissant pas ses hommes il a fallu se retrousser les manches « j’ai fait des métiers de ‘ouf » sourit Gorka, tandis que son cadet ré ouvrit livres et cahiers pour passer le bac à distance, Covid oblige, et l’obtenir avec mention très bien tout de même.

AMERICAINS AU MONDIAL

Une autre mention attend les frères Sorozabal , et dans le domaine qui leur est le plus cher, la punta. Ce n’est pas la mention très bien encore mais c’est très proche tout de même. Flash-back : le mondial 2022 de Biarritz. L’épreuve de cesta punta est promise à un duel franco-espagnol, qui donc aurait l’outrecuidance de venir leur chatouiller les narines ?  Les américains sont ceux-là pourtant ! Les américains ? mais d’où sortent-ils une équipe et qui jouent donc pour eux ? Réponse : les frères Soro !  Gorka et Johan ont du fait de la carrière de papa à Milford, la double nationalité. Ils n’ont pas que la double nationalité, ils ont aussi la « grinta » àfleur de peau et s’ils ne sont pas la sensation du mondial ils n’en sont pas loin. Du haut de leur vingt piges, ils bousculent les maîtres  Erkiage-Lopez, leur prennent une manche et mènent 6-0 dans la seconde, on parle là des futurs champions du monde.  Ou comment traduit-on “sueurs froides” en basque.  Deuxième gros coup de tonnerre évité d’un cheveu, les frangins possèdent, à 9-8 dans la belle, une pelote de demi-finaliste contre la France d’Olharan-Minvielle ! Nul besoin de traduire froid dans le dos, n’est-ce pas  

« VOUS NOUS OUBLIEZ ? ON VOUS OUBLIE »

Mais que font donc les frères Soro, enfant, de Biarritz et du BAC depuis toujours, sous le maillot des USA ? C’est simple, la pré-sélection tricolore pour le mondial espoir 2021 de Mexico comporte huit noms, celui des Sorozabal   n’y figure pas. Est-ce, loin des yeux loin du cœur ? Nul ne sait, les frères eux savent et tranchent, vous nous avez oublié on vous oublie à notre tour. Voilà comment deux minots font la joie d’une fédération US aux anges de voir tomber du ciel une si belle équipe... Voilà également comment les deux jeunes gens portant beau de surcroît font leur entrée dans le cercle du très haut niveau.

“Summer league”, Jaï alaï league”,  l’incroyable ambiance de Gernika, Gorka et Johan Sorozabal,  ont retrouvé chez eux un terrain d’expression qui les fait de nouveau sourire, il n’a pas encore les fastes et tous les artifices que l’Amérique sait si bien, manier, au-delà de l’argent, mais il leur permet de rêver à nouveau à un avenir pour leur sport. Or entre le rêve et la passion navigueront longtemps encore deux frangins, les Sorozabal.

Gérard Bouscarel

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